Introduction
Observer, mesurer, comprendre : c’est le cœur du travail de l’ergonome. Mais pour analyser les postures de travail de manière fiable, il ne suffit pas d’avoir “l’œil”. Il faut s’appuyer sur des outils d’évaluation structurés, capables d’objectiver les contraintes posturales et de guider la mise en place d’actions correctives.
Que ce soit sur un poste de production, un chantier, en logistique ou dans un bureau, ces outils permettent de quantifier les risques liés aux postures et de prioriser les actions de prévention.
Les observations de terrain
Avant tout outil, il y a l’observation directe de l’activité réelle. C’est la base de toute analyse ergonomique.
L’ergonome observe :
– les gestes, postures et efforts physiques,
– les mouvements répétés,
– les compensations,
– la durée d’exposition et les contraintes organisationnelles.
Des vidéos ou photos peuvent être utilisées (avec l’accord des salariés) pour analyser finement les postures, les angles articulaires et les séquences d’activité. Cette approche qualitative permet de comprendre le contexte et d’identifier les situations à risque avant de passer à des outils plus quantitatifs.
Les grilles et méthodes d’analyse posturale
Ces outils standardisés permettent de noter et comparer objectivement les postures observées. Voici les plus courants :
RULA (Rapid Upper Limb Assessment) : Outil conçu pour évaluer les postures du tronc, du cou, des bras et des poignets. Très utilisé dans l’industrie, le tertiaire et la santé. Il attribue un score selon les angles articulaires, les efforts, la durée et la répétitivité des gestes.
REBA (Rapid Entire Body Assessment) : Version plus globale que le RULA, il évalue tout le corps (membres supérieurs et inférieurs). Adapté aux activités de manutention, logistique, BTP ou soins.
OWAS (Ovako Working Posture Analysing System) : Méthode finlandaise qui classe les postures du dos, des bras et des jambes selon leur fréquence et leur contrainte. Très utile pour les postes répétitifs ou physiques.
Ces méthodes donnent des scores de risque (faible, moyen, élevé) et orientent les priorités d’action.
Les outils numériques et logiciels d’analyse
Les avancées technologiques offrent aujourd’hui des moyens d’analyse encore plus précis.
Logiciels ergonomiques : des outils comme ErgoEASE, CAPTIV, Ergonautes ou Kinovea permettent de :
– analyser des séquences vidéo,
– mesurer les angles articulaires,
– modéliser les postures,
– générer des rapports d’évaluation.
Ces logiciels sont particulièrement utiles pour documenter les analyses et appuyer les recommandations auprès des entreprises.
Capteurs de mouvement et motion capture : de plus en plus utilisés dans la recherche et les grandes entreprises, ces systèmes de capture (exosquelettes instrumentés, capteurs inertiels, goniomètres) permettent une analyse biomécanique très fine. Ils mesurent en temps réel les angles, vitesses et amplitudes des mouvements.
Ces technologies offrent une vision objective, mais elles doivent toujours être complétées par l’analyse du travail réel.
Les questionnaires et entretiens
Parce que les postures ne racontent pas tout, il est essentiel de croiser les données objectives avec le ressenti des salariés.
Les questionnaires (comme le Nordic Questionnaire ou des échelles de douleur) permettent de :
– recueillir les zones de gêne ou de douleur,
– évaluer la fréquence et l’intensité des troubles,
– comprendre les compensations mises en place.
Les entretiens, eux, permettent de donner du sens aux observations : ils révèlent les contraintes réelles, les marges de manœuvre et les leviers d’amélioration possibles.
Combiner les outils pour une analyse complète
Aucun outil ne suffit à lui seul. L’efficacité vient de la combinaison de plusieurs approches : observation terrain, grille d’analyse, outil numérique, entretien collaborateur.
Cette triangulation permet d’obtenir une vision globale et juste du travail réel, condition indispensable pour proposer des solutions ergonomiques pertinentes et réalistes.
Conclusion
L’analyse des postures de travail ne se résume pas à une photo figée d’un geste. C’est une lecture dynamique de l’activité, qui prend en compte le corps, l’organisation et le contexte.
Les outils sont là pour objectiver, mais c’est l’analyse humaine et terrain de l’ergonome qui fait la différence. C’est elle qui permet de transformer les observations en actions concrètes de prévention des TMS.